1.- Contexte et objectifs de la réunion
Dans le cadre des préparatifs de la Table ronde des bailleurs prévue à Washington D.C. le 22 avril 2025, le Ministère de l’Économie et des Finances (MEF) convie les représentants du secteur privé haïtien à une réunion préparatoire le 18 mars 2025 à Port-au-Prince. Cette rencontre vise à définir les perspectives du secteur privé sur les priorités stratégiques et les messages clés à défendre lors de la Table ronde des bailleurs. Elle offre également une opportunité de contribuer aux préparatifs de la Journée d’Haïti durant laquelle une session sera dédiée à une sélection de thématiques relatives à l’attraction des investissements privés.
Les échanges entre le MEF et le secteur privé sont situés dans le contexte suivant. Le Gouvernement d’Haïti, avec l’appui de la Banque mondiale, des Nations Unies, de l’Union Européenne et de la BID, a lancé en mai 2024 une Évaluation rapide de l'impact de la crise (RCIA) couvrant la période2021-2024. Ce rapport, publié en décembre 2024, a débouché sur un Cadre de relèvement et un Plan d’investissement. Dans la continuité de ces efforts, le Ministère de l’Économie et des Finances (MEF) organise, avec l’appui des mêmes partenaires, dont la Banque mondiale, institution hôte, la Journée d’Haïti le 22 avril 2025 à Washington D.C., dont le principal événement sera la Table ronde des bailleurs. Cette Table ronde vise à mobiliser des ressources pour financer la mise en œuvre du Plan d’investissement du RCIA.
Conformément à l'Accord du 3 avril 2024, la sécurité constitue une des priorités du gouvernement de transition. Les travaux du RCIA ont été conduits en juin-septembre 2024 dans un contexte marqué par les perspectives d’amélioration de la situation sécuritaire suite au déploiement de la Mission multinationale d'appui à la sécurité (MMAS) pour assister la Police nationale haïtienne dans la lutte contre les groupes armés. Cependant, financée par un fonds fiduciaire doté de $ 101,1 millions en engagements, la force multinationale est dotée de ressources largement insuffisantes pour faire face aux besoins. Malgré la hausse du nombre de contingents de pays amis enrôlés dans la MMAS, la paucité en équipements demeure une contrainte majeure pour permettre un regain de contrôle du territoire effectif.
Face à l’urgence de la situation sécuritaire, en septembre 2024, lors de l’Assemblée générale des Nations Unies, le Gouvernement haïtien a demandé le déploiement d'une force de maintien de la paix des Nations Unies pour remplacer la force multinationale. Cette requête, a été officialisée par la lettre du 21 octobre 2024. Suite à des missions stratégiques s’y afférent, le 26 février 2025, le Secrétaire général des Nations unies a adressé une lettre au Conseil de sécurité concernant la situation sécuritaire en Haïti et les perspectives d'une mission de paix. Il y est fait état d’une proposition d’approche progressive, basée dans un premier temps sur le soutien logistique et opérationnel à la mission existante avant d'envisager d'autres options. Le Secrétaire général des Nations Unies y réitère également son appel à augmenter les ressources dédiées à la MMAS qui compte actuellement 1 000 membres sur les 2 500 prévus.
2.- Le contexte de l'aide publique au développement en 2025-2026
Le paysage de l’aide publique au développement en 2025-2026 est marqué par une conjonction de facteurs influents : reprise économique mondiale, réalignements géopolitiques et renforcement des stratégies de développement durable et inclusif. Alors que la croissance économique tend à se stabiliser, les pressions budgétaires persistantes dans les pays donateurs limitent leur capacité à maintenir les niveaux d’Aide Publique au Développement (APD) observés ces dernières années.
Selon les données du Comité d’aide au développement (CAD) de l’OCDE, les flux mondiaux d’APD ont atteint 204 milliards USD en 2024, enregistrant un repli de 3 % par rapport à l’année précédente. Cette contraction a particulièrement affecté les pays les moins avancés (PMA), où l’aide bilatérale a diminué de5 %. Les données du CAD indiquent également que cette tendance est partiellement compensée par une préférence croissante pour des financements mutualisés et des mécanismes régionaux.
Cependant, début 2025, plusieurs gouvernements ont annoncé une réévaluation de leurs engagement sen matière d’aide extérieure, suite à l’annonce par les États-Unis de la signature du décret présidentiel14169, intitulé "Réévaluation et réalignement de l’aide étrangère des États-Unis". Ce décret instaure un moratoire de 90 jours sur tous les programmes américains d’aide au développement afin d’en revoir la portée et l’efficacité. D’autres grands bailleurs ont également ajusté leurs priorités budgétaires. Le Royaume-Uni a engagé un débat sur une possible augmentation des prélèvements fiscaux pour renforcer son budget de défense, une évolution susceptible d’entraîner des réallocations budgétaires au détriment de l’aide au développement. De même, la France, l’Allemagne, les Pays-Bas, la Belgique et la Suède ont annoncé une réduction de leurs budgets d’APD, contribuant à une reconfiguration globale du paysage de l’aide internationale.
Ces tendances surviennent dans un contexte où les acteurs du développement adoptent de plus en plus des approches alternatives et innovantes pour financer leurs interventions. Les stratégies des bailleurs intègrent notamment des mécanismes de financement mixte (blended finance), mobilisant des capitaux privés pour réduire les risques et accroître la portée des projets de développement durable. Les partenariats public-privé (PPP) jouent également un rôle croissant, en particulier dans les secteurs des infrastructures, des énergies renouvelables et de la fintech, où l’inclusion financière devient une priorité stratégique.
Les institutions financières internationales renforcent également leur engagement en faveur d’une participation accrue du secteur privé. La Private Sector Window (PSW) de l’Association internationale de développement (IDA), lancée en 2017, illustre cette dynamique en catalysant les investissements privés dans les pays les plus pauvres et les plus fragiles. Ce mécanisme fournit des garanties et des Co investissements pour atténuer les risques et faciliter l’engagement du secteur privé, en complément des instruments classiques de la Banque mondiale, de la Société financière internationale (IFC) et de l’Agence multilatérale de garantie des investissements (MIGA).
De même, l’investissement à impact (Impact Investing) connaît une expansion significative. Selon le Global Impact Investing Network, par exemple, les fonds axés sur des objectifs sociaux et environnementaux ont enregistré une croissance annuelle de 21 % au cours des cinq dernières années, atteignant un encours de gestion de 1 500 milliards USD en 2024. Cette dynamique témoigne d’un intérêt accru des investisseurs institutionnels pour des solutions de financement alignées sur les Objectifs de développement durable (ODD).
Ces changements sont prometteurs. Lors de la COP29 à Bakou, la Société financière internationale (IFC) apar exemple annoncé l’approbation d’un investissement dans l’initiative Hardest to Reach (H2R) d’Acumen, visant à développer des marchés de l’énergie propre et abordable en Afrique subsaharienne. Ce programme constitue la première initiative de financement mixte spécifiquement dédiée au financement de systèmes solaires domestiques pour les populations les plus isolées, illustrant l’émergence de solutions financières innovantes au service du développement durable.
Les consultations en amont et la journée d’Haïti et sa table ronde des bailleurs représentent une opportunité pour Haïti de tirer profit des nouvelles tendances du financement du développement et de leurs implications pour l’identification de secteurs clés où les bailleurs et les investisseurs privés peuvent avoir un impact significatif durant 2025-2026.
Tenant compte de ce contexte, la réunion du 18 mars 2025 vise les objectifs suivantes:
- Identifier les priorités du RCIA d'intérêt pour le secteur privé compte tenu les contraintes logistiques et opérationnelles liées à la situation sécuritaire;
- Identifier les messages clés du secteur privé à la Table rondes des bailleurs;
- Identifier les institutions stratégiques non étatiques à mobiliser pour la journée d'Haïti