Un consortium dénommé « COVIGILANCE », constitué de cinq organisations de la société civile, à savoir l’Initiative de la société civile (ISC), le Conseil haïtien des acteurs non étatiques (CONHANE), le Service chrétien d’Haïti, Panos Caraïbes, le Réseau haïtien des journalistes de la santé (RHJS), est né de l’urgente nécessité pour ce secteur de la vie nationale haïtienne de s’organiser afin de faire un suivi rigoureux de l’utilisation des fonds tirés du Trésor public.
L’objectif ultime étant de s’assurer que ces fonds soient bien utilisés, sans gaspillage, sans détournement et avec efficacité, en répondant aux besoins les plus pressants de la population dans un contexte global où le pays éprouve toutes les peines du monde à lutter efficacement contre la corruption. Ce qui lui vaut d’ailleurs de squatter la zone rouge des pays les plus corrompus de la planète au fil des ans.
C’est dans ce cadre précis de suivi des dépenses publiques que le consortium « COVIGILANCE » a publié un rapport sur l’action du gouvernement en lien avec sa réponse à la pandémie de Covid-19 sur la période allant du 25 mars au 31 octobre 2020, en mettant l’emphase particulièrement sur les décaissements effectués par le ministère de l’Économie et des Finances (MEF) et en prenant en compte les institutions bénéficiaires.
Le consortium « COVIGILANCE » s’est surtout attelé à faire ressortir la transparence des opérations, le respect des procédures administratives et des exigences légales dans l’utilisation des ressources financières disponibles et à l’application et l’efficacité des stratégies et plans adoptés.
La méthodologie consistait en effet d’une part à faire une revue documentaire portant sur les aspects opérationnels et financiers concernant les dispositions adoptées par le gouvernement pour faire face aux impacts négatifs du coronavirus et d’autre part à mener une enquête de terrain afin de jauger directement l’application et l’impact de ces mesures.
Durant la période susmentionnée, le MEF a décaissé pour la Covid-19 un montant de 2 247 220 289 gourdes et un autre montant de 34 202 718,30 dollars américains. Ces deux montants sont ainsi répartis en termes de pourcentage entre les différentes institutions bénéficiaires suivantes : ministère de la Santé Publique et de la population (MSPP), 68.4% ; ministère de l’Environnement, 0.49% ; ministère des Travaux publics Transports et Communications, 3.64% ; ministère de l’Éducation nationale et de la Formation professionnelle (MENFP), 8.27% ; Service national de gestion des résidus solides, 0.82% ; Fonds d’assistance économique et sociale (FAES) 15.8%.
Dans l’ensemble, « COVIGILANCE » admet n’avoir pas eu de difficultés à accéder aux informations techniques et opérationnelles au niveau des ministères et des organismes spécialisés bénéficiaires des crédits. Toutefois, l’accès aux documents comptables s’est révélé plus difficile et a varié en fonction des ministères et des organismes, ont confié les auteurs du rapport.
Au terme de ce travail d’audit, un ensemble de recommandations ont été formulées par le consortium, qui anime une plateforme de la société civile, constituée de 27 associations issues de 20 secteurs de la société civile. Les recommandations s’adressent notamment à la société civile, au Parlement, aux institutions de contrôle et aux ministères.
Tout d’abord, le consortium exhorte la société civile à lancer un grand plaidoyer pour que soit votée, lorsque le Parlement sera de nouveau fonctionnel, une loi sur le libre accès à l’information. « Il existe déjà une proposition de loi en souffrance au Parlement. Il faudra la réactualiser afin d’obliger les responsables d’État à fournir les informations qui permettront aux citoyens d’exercer pleinement leur rôle de vigilance », réclame le consortium.
À la Commission nationale des marchés publics (CNMP), il est demandé de « mettre à jour sur son site la liste des marchés passés sous l’égide de la loi d’urgence. Les derniers marchés en date qui y figurent sont de 2010-2011 ». En outre, pour éviter à l’avenir les confusions entre les rôles de la Cour supérieure des comptes et du contentieux administratif (CSC/CA) et la CNMP, l’exécutif et le Parlement devraient améliorer la rationalité et la cohérence du système de contrôle des finances publiques.
« La CSC/CA ne devrait pas intervenir a priori, ce qui la rendrait juge et partie ; elle devrait plutôt intervenir a posteriori. La CNMP pourrait intervenir pour donner son avis sur les marchés publics. Il faudrait à ce moment que la CNMP devienne une institution indépendante qui ne soit pas sous la tutelle de la Primature », recommande une nouvelle fois « COVIGILANCE ».
S’agissant des ministères, les cinq organisations de la société civile estiment qu’ils « pourraient mieux coordonner l’aide en impliquant les autorités et leaders communautaires, afin que les personnes les plus affectées soient les bénéficiaires ».
Les ministères et organismes en charge du social, poursuivent ces dernières, devraient mieux évaluer les besoins de la population afin que leurs principales préoccupations soient prises en compte dans les opérations d’urgence.
À noter que la crise sanitaire provoquée par la pandémie de coronavirus a touché Haïti dans un contexte où l’ensemble des institutions sanitaires du pays ne comptaient que 124 lits de soins intensifs et 47 respirateurs pour plus de 11 millions d’habitants.